Stratégie

Couvrir ou ne pas couvrir le risque de change

15 oct. 2024

Certes, faire allusion à une citation célèbre de Shakespeare pour commencer un billet sur la couverture de change frise la banalité. Néanmoins, si Hamlet gérait un portefeuille d’actifs détenus à l’étranger, sa principale préoccupation serait forcément « la fronde et les flèches » des marchés des devises, qui sont reconnus comme étant difficiles à anticiper, mais qui peuvent avoir une incidence marquée sur les rendements des portefeuilles.

Pour les investisseurs canadiens, se tourner vers l’étranger présente plusieurs avantages. Le plus important est la diversification, que ce soit grâce à l’accès à d’autres régions moins corrélées aux marchés canadiens ou à d’autres produits qui ne sont pas offerts au pays. Cependant, investir à l’étranger signifie également de prendre un risque de change, étant donné que les actifs internationaux sont libellés en devises autres que le dollar canadien ($ CA).

Aux fins d’illustration, examinez le graphique 1 qui montre le rendement total de l’indice S&P 500 en dollars américains ($ US) et en dollars canadiens pour le premier trimestre de cette année. En dollars américains, l’indice a progressé de 10,6 % sur cette période, mais puisque cette période a également correspondu à la faiblesse du dollar canadien par rapport au dollar américain (autrement dit, le USD/CAD s’est apprécié), l’indice a inscrit un rendement supérieur en dollars canadiens (en hausse de 13,3 %). Cela signifie que les investisseurs canadiens s’en seraient mieux sortis s’ils n’avaient pas couvert leurs placements en $ US ex ante.

Graphique 1 – Rendement total du S&P 500 pour le premier trimestre de 2024

Graphique 1 – Rendement total du S&P 500 pour le premier trimestre de 2024
Source : BMO Gestion mondiale d’actifs.

Examinons maintenant une autre période au cours de laquelle le dollar canadien s’est apprécié par rapport au dollar américain. Le graphique 2 présente une comparaison du rendement total du S&P 500 d’avril 2020 à avril 2021 (période au cours de laquelle le taux de change $ US/$ CA était de plus de 11 % inférieur). Au cours de la période, l’indice de rendement total a inscrit un rendement supérieur de près de 20 % en dollars américains. Dans ce scénario, l’investisseur qui avait couvert son risque de change aurait été en position optimale.

Graphique 2 – Rendement total du S&P 500 entre avril 2020 et avril 2021

Graphique 2 – Rendement total du S&P 500 entre avril 2020 et avril 2021
Source : BMO Gestion mondiale d’actifs.

Comme ces exemples le montrent, le risque de change est un des principaux facteurs à prendre en considération pour tout investisseur qui cherche à diversifier son portefeuille à l’extérieur du Canada. Ce risque peut aller dans les deux sens, ce qui accentue l’importance des décisions de couverture de change. À notre avis, la décision de couvrir le risque de change (en prenant en compte le degré de couverture des placements à l’étranger) se résume à ce qui suit :

  1. Le regard d’un investisseur sur la paire de devises sous-jacentes
  2. La corrélation positive ou négative entre la paire de devises et l’actif sous-jacent

Dans la présente note, nous commenterons brièvement le premier point, mais nous nous concentrerons surtout sur le deuxième, car nous estimons qu’il faut lui accorder plus de poids dans les décisions de couverture.

Les marchés de change sont difficiles à anticiper

Il est facile d’avoir un point de vue sur la paire de devises sous-jacentes, mais il est difficile d’en tirer profit.

En effet, les marchés des changes sont particulièrement notoirement imprévisibles. L’une des raisons en est que la relation entre les facteurs prédictifs et les paires de devises est rarement stationnaire. Par exemple, de nombreux intervenants sur le marché ont tendance à utiliser les écarts de taux à court terme (2 ans) comme indicateur de la divergence des banques centrales sur le marché des devises au comptant. Le graphique 3 montre la corrélation actuelle entre ces écarts et les différents cours du change du dollar canadien et, comme on peut s’y attendre, la relation n’est pas uniforme d’un point de vue transversal.

Graphique 3 – Corrélation entre les écarts de taux à deux ans et les cours du change du dollar canadien

Graphique 3 – Corrélation entre les écarts de taux à deux ans et les cours du change du dollar
* La période de corrélation est de deux ans. * Le dollar canadien est utilisé comme monnaie de base pour cette analyse. L’écart est calculé en soustrayant le taux des obligations étrangères à 2 ans du taux des obligations à 2 ans libellées en dollars canadiens. Sources : Bloomberg, BMO Gestion mondiale d’actifs.

Nous pouvons également le constater en examinant la relation entre un facteur et une paire de devises au fil du temps. Le graphique 4 montre la corrélation sur une période mobile de 100 jours entre le taux de change $ US/$ CA et le prix du pétrole (à partir du contrat du WTI à échéance rapprochée) il y a 10 ans. Notez la fréquence à laquelle la force (ainsi que le signe) de la corrélation change au fil du temps.

De plus, il n’y a pas de moyen infaillible de trouver un modèle de juste valeur convaincant pour une paire de devises. Ce n’est pas seulement parce que la nature de la relation avec les facteurs est variable, mais aussi (contrairement aux actions ou aux obligations) en raison de l’absence de flux de trésorerie à escompter lorsque vous achetez ou vendez une paire de devises. En raison de la nature changeante de la situation macroéconomique, ainsi que de la taille et de la diversité du marché des devises, il est presque impossible d’avoir un avantage ou de générer de l’alpha à long terme, en particulier pour les paires de devises des marchés développés.

Bien entendu, cela ne veut pas dire qu’il n’est pas important de surveiller la paire de devises. Même si les relations sont incertaines, il y a encore des renseignements à glaner sur le change lorsque les prix du pétrole évoluent dans une certaine direction ou lorsque nous observons un certain degré de divergence entre les banques centrales. De fait, il s’agira toujours d’une information importante pour prévoir les rendements d’un placement couvert ou non. 

L’idée est plutôt qu’un investisseur doit compléter les informations fournies par les devises avec d’autres éléments afin de prendre une décision éclairée sur la nécessité ou non de couvrir le risque de change. 

Graphique 4 – Corrélation sur une période mobile de 100 jours du change $ US/$ CA et les prix du pétrole au fil du temps

Graphique 4 – Corrélation sur une période mobile de 100 jours du change $ US/$ CA et les prix du pétrole au fil du temps
Source : BMO Gestion mondiale d’actifs.

Comment aborder la décision de couverture

Pour les investisseurs canadiens, il y a beaucoup de FNB nationaux qui permettent de participer aux marchés américains. Pour ceux qui sont libellés en dollars canadiens, les émetteurs offrent des versions couvertes et non couvertes, selon les préférences de l’investisseur. En outre, ces investisseurs peuvent plutôt acheter des FNB libellés en dollars américains qui suivent les marchés américains, mais qui s’échangent sur les bourses canadiennes.

Depuis le milieu de 2021, une option pour les investisseurs canadiens qui voulaient accéder à l’indice S&P 500 aurait été d’acheter un FNB non couvert (dont le ZSP, qui est le FINB BMO S&P 500). Cela s’explique principalement par le fait que le dollar canadien a fléchi par rapport au dollar américain au cours de cette période, ce qui a procuré un rendement supplémentaire grâce à la devise, en plus de celui de l’indice sous-jacent.

Cependant, se concentrer sur les rendements masque un autre élément important à prendre en compte. En effet, le ZSP offre un autre avantage par rapport à son FNB cousin qui couvre le risque de change (ZUE ou FINB BMO S&P 500 couvert en dollars canadiens). Cet avantage est qu’il est beaucoup moins volatil. À titre d’exemple, le graphique 5 compare la volatilité réalisée sur 90 jours du ZUE et du ZSP au cours des dernières années. La plupart du temps, c’est le FNB non couvert (ou le ZSP) qui est le moins volatil. Cela signifie que les investisseurs qui ont couvert leur exposition auraient non seulement enregistré des rendements inférieurs, mais aussi un profil de volatilité plus élevé.

Graphique 5 – Comparaison de la volatilité sur 90 jours du ZUE et du ZSP1

Graphique 5 – Comparaison de la volatilité sur 90 jours du ZUE et du ZSP
Source : BMO Gestion mondiale d’actifs.

Il est vrai que cela semble contre-intuitif. Après tout, la couverture des risques de change devrait-elle atténuer la volatilité, étant donné que le risque de change est neutralisé?

Malheureusement, ce n’est pas aussi simple. N’oubliez pas que lorsqu’un investisseur canadien achète un FNB non couvert qui reproduit les indices américains, il privilégie la position acheteur de l’actif sous-jacent et le dollar américain. Au cours des dernières années, le rendement du dollar américain a été (directement) corrélé inversement avec l’indice S&P 500. Cela est dû à l’attrait du dollar américain en tant que valeur refuge liquide pendant les périodes d’aversion pour le risque. Ainsi, en ne couvrant pas leur risque lié au dollar américain, les investisseurs canadiens ajoutent un actif non corrélé, ce qui accessoirement réduit la volatilité.

Tableau 1 – Comparaison des rendements et des volatilités du ZUE et du ZSP pour les deux dernières années

ZUE (couvert)ZSP (non couvert)
Rendement49,38 %51,70 %
Volat. moyenne sur 90 jours14,64 %12,17 %

Du 30 septembre 2022 au 30 septembre 2024.


Graphique 6 – Corrélation négative de l’indice S&P 500 avec le change $ US/$ CA

Graphique 6 – Corrélation négative de l’indice S&P 500 avec le change $ US/$ CA
* À partir d’une période d’observations hebdomadaires de deux ans.

Une règle simple que vous pouvez suivre…

En règle générale, pour tout FNB qui suit un marché étranger, si le panier de titres sous-jacents est…

  1. corrélé négativement avec la devise étrangère -> l’exposition aux devises procure un avantage sur le plan de la diversification;
  2. corrélé positivement avec la devise étrangère -> l’exposition aux devises procure moins d’avantages sur le plan de la diversification.

Dans le cas I), la version non couverte du FNB offrirait moins de volatilité que la version couverte. Pour II), l’inverse est plus susceptible d’être vrai.

Pour un investisseur canadien qui cherche à augmenter la pondération du risque global aux États-Unis (disons l’indice S&P 500), il est plus logique de conserver un FNB non couvert (ZSP), ce qui concorde également avec l’idée que la Banque du Canada devra probablement assouplir sa politique plus que ne le prévoit actuellement le marché des swaps indexés sur taux d’intérêt à un jour, ce qui pèserait sur le dollar canadien. 

Cependant, les régimes de corrélation peuvent changer. Par exemple, supposons que le régime change et que le dollar américain acquière une corrélation positive avec le risque global. Dans ce scénario, l’investisseur canadien devrait probablement envisager un FNB couvert, à condition que le dollar canadien ne dégage pas de rendements inférieurs à ceux du dollar américain dans ce contexte. Le seul contexte dans lequel ce scénario peut avoir du sens est en cas de choc spécifique au dollar américain qui n’a pas d’incidence sur les actions américaines. Cela pourrait se produire si le marché commence à assortir les déficits budgétaires soutenus d’une prime plus élevée dans le dollar américain. 

Tout compte fait, ce qui précède constitue un cadre de prise de décision en matière de couverture pour nos lecteurs lorsqu’il s’agit d’investir à l’extérieur du marché canadien. Comme l’a fait notre ami Hamlet dans son célèbre discours, le fait d’avoir un plan permet aux investisseurs de « s’armer contre une mer de douleurs et à (potentiellement) l’arrêter ».

1 Rendements annualisés du ZSP et du ZUE:

Rendement (%)

CAC

1 mois

3 mois

6 mois

1 an

3 ans

5 ans

10 ans

Depuis la création

ZSP

24,32

2,48

4,59

10,08

35,28

13,99

16,07

15,10

17,53

ZUE

21,03

2.04

5,45

9,64

34,31

10,27

14,21

11,83

13,36

Au 30 septembre 2024 La date de création du ZSP est le 12 novembre 2012. La date de création du ZUE est le 29 mai 2009.

Avis juridiques

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